Le Darien

Un Panama préservé

“Il faut compter 2-3h de marche dans la forêt pour rejoindre la pirogue qui se trouve en aval du village. On y va avec Paco, c’est le neveu du shaman, il connait bien le sentier“ me dit Michel;
Ok, on y va“ répondis-je excité;

Je m’assure que ma bouteille d’eau est pleine, je lance mon sac photo sur l‘épaule, et tel un première classe pour sa première rentrée, j’attends le départ de la marche. Alors que le soleil est au zénith, nous sortons du village et pénétrons dans la forêt derrière un rideau de bambou local.
J’apprends par la suite, en discutant avec notre guide Embera qu’il est aussi militaire, rodé à la marche forcée, et qu’il a l’habitude de se déplacer en forêt. Je note aussi qu’il est à l’aise avec les températures supérieures à trente degrés et les atmosphères saturées d’humidité. Parfait pour lui, un peu moins pour moi, et comme je ne maitrise par la machette, je le laisse ouvrir le sentier.

Le Darien


Nous suivons tant bien que mal Paco sur les chemins glissants de la forêt. Plus de photos.

Je suis au Panama depuis une dizaine de jours quand je découvre le Darien. Cette région, collée à l’est du pays contre le voisin Colombien, ferme comme un bouchon le goulot qui permet d’entrer en Amérique du Sud. Pour différentes raisons, sanitaires, politiques, la route qui descend ou remonte le continent américain s’arrête ici.
Rien ne passe, ni marchandise, ni voyageur, et les contrebandiers Colombiens préfèrent de toute façon passer par la mer des Caraïbes ou le long de la côte Pacifique aux commandes de leur hors-bord.
Ceci combiné aux priorités économiques d’un pays qui n’a jamais vraiment privilégié le développement du tourisme (le monopole d’un canal), les villages autochtones du Darien sont encore assez préservés des changements culturels induits par le tourisme organisé. On découvre ainsi une région où la population n’est pas trop habituée aux visiteurs, pour le plus grand plaisir des voyageurs.


Dans le Darien, les villages sont reliés par les rivières. On ne se déplace pas autrement qu’en pirogue. Plus de photos.

Le Darien, la fin d’une route

On entre dans le Darien assez simplement. Depuis quelques années, la route est goudronnée sur toute la longueur qui mène de Panama City à Yavisa, terminus du voyage et porte d’entrée de la partie la plus sauvage de la région. Ici, tout le monde descend du bus car il est impossible d’aller plus loin. Quelques-uns profitent un peu de la petite ville, les autres se rendent au port pour continuer le voyage.

La pirogue devient alors le principal moyen de locomotion. Propulsée par un Yamaha fixé à la poupe, l’embarcation sert à rejoindre les villages disséminés dans la forêt où chacun retrouve sa maison sur pilotis, habitat traditionnel des Emberas et Wounans. On y monte par une échelle, un tronc d’arbre où les marches sont taillées à la hache, pour atteindre la grande pièce principale qui occupe toute la surface de la maison. Il n’y a souvent pas de murs, ou bien un seul parfois, et la ventilation naturelle rend l’endroit agréable.

Nous restons ainsi avec la famille une petite heure, brève rencontre sans trop parler. Je profite de la sérénité des lieux, un perroquet se promène, je joue avec les enfants, puis lorsque nous partons la maitresse de maison nous offre le poisson qui finit de cuir sur les braises du foyer.


Village Embera, Darien. Plus de photos.

Un marché aux pirogues

Le lendemain de mon arrivée dans le Darien, nous nous rendons à Puerto Peñita car le mercredi c’est jour de marché. Ici dans ce petit village, un comptoir s’est installé où affluent de la région des dizaines de pirogues chargées des denrées de saison cultivées dans les jardins de la forêt. Aujourd’hui les hommes déchargent surtout des bananes, alors que d’autres venus de Panama City remplissent leur camion; eux fileront ensuite sans attendre pour la capitale livrer leur cargaison.


Le marché aux pirogues de Puerto Peñita, Darien. Plus de photos.

Peu après, plusieurs femmes qui s’occupent d’une épicerie dans leur village arrivent la pirogue vide et viennent faire le ravitaillement pour la semaine : caja de leche ideal, bulto de arroz, bolsa de salchicha, galletas de queso. C’est aussi l’occasion pour tout le monde de se retrouver, d’acheter quelques marchandises manufacturées qu’on ne trouve évidemment pas dans la forêt, de prendre des nouvelles des amis, de discuter de tout et de rien comme partout.
Comme partout aussi quelques vieilles caciques assises sur un banc ou accoudées au balcon de leur maison surveillent la place. On profite du moment pour aller boire un verre au bar qui ce jour là fait salle comble, avant de reprendre un peu plus tard ou en fin d’après midi la route sur le Rio Chucunaque.


Dans ce marché local comme dans beaucoup d’autres je suppose, le déchargement des produits de la forêt, le chargement des produits manufacturés. Plus de photos.

A l‘époque des Conquistadores, le plus long fleuve du Pays, le Rio Chucunaque fut emprunté par Vasco Núñez de Balboa lorsque qu’il devint le premier Européen à voir le Pacifique. Plus tard, les pirates des Caraïbes le descendaient à l’occasion des rendez-vous de l‘île d’or pour se rendre dans le Pacifique et attaquer les bateaux chargés d’or et les comptoirs espagnols moins protégés des côtes d’Amérique du Sud.
L’importance géostratégique persista car il fut même envisagé à un moment de percer le Canal dans le Darien (le projet Darien) pour déboucher dans le golfe San Miguel et le Pacifique, une autre histoire qui aurait fait jouer à La Palma, la capitale de la province, un rôle bien différent de celui de la petite bourgade de pêcheurs que j’ai visitée.
Je parlerai aussi une autre fois de Puerto Lara où j’ai rencontré presque par hasard ce groupe de femmes Wounans qui m’ont présenté leurs incroyables paniers, fier travail de vannerie traditionnelle.


Birelina me présente ses paniers de l’artisanat Wounans. Plus de photos.

Pour en savoir plus et aller au Darien


En dehors du contenu naturellement proposé par les moteurs de recherche sur le Darien, je vous conseille la lecture intéressante de ces deux sujets que sont le projet Darien et les rendez-vous de l‘île d’or, un aperçu original teinté d’histoire et de mondialisation.
Si vous souhaitez vous rendre dans le Darien, je vous conseille vivement, pour des raisons pratiques (il faut des visas spéciaux pour la région), mais aussi pour le plaisir d’un séjour dans son ecolodge au pied du Filo del Talo, de contacter Michel Puech, mémoire vivante de l’histoire récente du Darien. Michel vit depuis plus de 30 ans au Panama. il connait le Darien comme sa poche et propose des séjours dans la région à travers son agence, Panama Exotic Adventures