Le supplice du ronfleur

Comment supporter un ronfleur en refuge.

On a tous vécu cette expérience de devoir dormir en refuge et de se retrouver au beau milieu d’une promotion digne de l‘école nationale de ronfleurs. Comme toujours, le ronfleur se débrouille toujours par s’endormir le premier, faisant vivre un supplice à ses voisins. Je viens de trouver un texte plutôt amusant ou l’auteur propose une cotation du ronflement, à lire, ça change. Moi en tout cas, quand ça m’arrive je sors du dortoir et je vais dormir dans la cuisine.

Le supplice du ronfleur

Je ne connais pas l’origine de ce texte, sauf qu’il est signé Jean Paul Zuanon.

Il existe une cotation des difficultés en escalade, une échelle des risques d’avalanche, d’autres pour les risques industriels ou sismiques. Curieusement, personne n’a jamais rien conçu de semblable pour décrire un risque largement répandu en montagne mais qui constitue un sujet souvent tabou : les ronfleurs. Toujours à l’avant garde, le “Petit Echo de l’Alpe Matheysine” a mis au point à titre expérimental une échelle de cotation des ronflements.

Cette échelle est basée sur trois critères :

  • l’intensité du phénomène (faible ou bruyant ?)
  • sa continuité
  • sa fréquence (une nuit de temps en temps ou toutes les nuits ?)

Niveau 1 (en montagne, le risque zéro n’existe pas)

Individu le plus souvent silencieux. Laisse échapper exceptionnellement quelques “pfff” sans lendemain, au pire des chuintements de chasse d’eau fuyant très légèrement.

Niveau 2

Individu peu actif. Ses accès de ronflement sont rares et de courte durée. Ils dépendent généralement de conditions défavorables exceptionnelles (rhume, fatigue). Ils alternent parfois avec des “coinçages de bulles”. Le plus souvent,un léger coup de coude suffit à ramener le ronfleur au silence.

Niveau 3

Le ronflement est bien formé. Les deux temps d’inspiration (RRRR) et d’expiration (PCHHHH, éventuellement remplacé par PFFFF) sont bien dissociés et parfaitement articulés. Le phénomène reste sporadique (une nuit de temps en temps) et discontinu. Caractère cependant tenace : seuls des coups (coude, genou, pied) bien placés ou des jets d’objets divers peuvent restaurer un semblant de calme.

Niveau 4

Comme ci-dessus, mais en pire : la machine infernale se met en route toutes les nuits et il est très difficile de l’arrêter. Seules des méthodes de défense passive (boules Quies) sont envisageables.

Niveau 5

Individu très connu au sein de son club, parfois montré du doigt par ses congénères. La terreur des refuges ou des chambres d’hôtel mal insonorisées. Insensible à toutes les voies de faits, ronfle toute la nuit de A à Z et quelle que soit sa position. Variations d’intensité et de tonalité parfois déconcertantes, dons marqués pour l’imitation d’engins et d’outils divers, allant de la scie égoïne au tractopelle en passant par le vibro-masseur et le moulin à café mécanique. Pousse parfois la cruauté mentale jusqu‘à s’arrêter quelques secondes pour repartir de plus belle.

Signe particulier commun aux niveaux 4 et 5

Le sujet s’endort généralement avant tout le monde mais il prétend avoir le sommeil difficile et ne pas avoir fermé l’oeil de la nuit.

Il est à peine nécessaire d’insister sur l’intérêt de ce document. Il devrait être d’un précieux secours dans différentes circonstances.

Dans la vie de tous les jours, il pourrait ramener un peu de sérénité dans les couples. Le traditionnel (mais parfois acide) “mon chéri, t’as encore ronflé” du petit matin serait avantageusement remplacé par un laconique “niveau 3”.

On pourrait également utiliser ce système dans les refuges. Au lieu d’avoir recours à des critères parfois discutables, comme l’heure du départ en course ou la tête du client, pour répartir les alpinistes entre les différents dortoirs, on disposerait d’une base plus objective.

Chaque dortoir serait affecté à une classe donnée de ronfleurs et, pour que les choses soient claires, on pourrait donner à chaque local des noms évocateurs et poétiques allant de “Zéphyr” (niveau 1) à “Niagara” (niveau 5), en passant par “Orage lointain” (niveau 3). Arrivant tard le soir et envoyé là où il reste de la place, un candidat dormeur saurait ainsi ce qui l’attend …