Le Col Loson

Tor des Géants

Nous sortons de Maisonnasse, un petit hameau à la consonance marseillaise au bout de la vallée de Valsavarenche. Le soleil est déjà levé mais la montagne nous fait de l’ombre. La montée dans la forêt, sur un sentier recouvert d‘épines de pins confortables ne laisse pas présager du paysage minéral qui nous attends plus haut, au col Loson.

Le Col Loson

Lorsque les fous qui font le Tor des Géants attaquent ce passage, ils en sont déjà à 90km depuis leur départ de Courmayeur. Ils s’apprêtent à attaquer ici le plus gros dénivelé de la course, entre Eaux Rousses et le col Loson perché à 3299m d’altitude, un dénivelé de près de 1700m sur une dizaine de kilomètres. Pour nous ce n’est qu’une marche d’une journée jusqu’au refuge Vittorio Sella, après le col.

Nous atteignons l’alpage de Livionaz après 1h30 de montée, d’un bon pas. Le refuge de Livionaz, que nous découvrons au dernier moment derrière une vieille moraine désormais recouvert d’herbe, fait aussi office de maison des gardien du Parc.

Le parc national du Gran Paradis, créé en 1922, fut le premier parc national italien pensé entre autres comme un lieu de refuge pour le bouquetin qui à l‘époque était beaucoup moins commun qu’aujourd’hui. En continuant notre chemin vers le fond de l’alpage, nous tombons ainsi sur une harde de ces chèvres sauvages très peu farouches au point qu’on les surprend assis sur le sentier.

Il y a déjà 100.000 ans, le bouquetin vivait dans tout l’arc alpin. Avec la pression de la chasse, il failli disparaitre au 19ème siècle sans l’action de quelques monarques dont Victor Emmanuel II. Voir plus de photos du Val d’Aoste.

Le sentier continue longuement, en lacet entre massifs de rhododendrons et tapis de gentianes d’où émergent quelques blocs de rochers, ces anciennes traces des ravines des glaciers qui jadis coulaient ici. De temps en temps nous longeons de vieilles moraines, puis l’altitude aidant, la végétation se fait rare jusqu‘à plus ou moins disparaitre vers 3000m.


Montée vers le col Loson. Le Tor des Géants tient son nom des sommets des Alpes qu’il rencontre en faisant le tour du Val d’Aoste. Le Mont Blanc au dessus de Courmayeur, Le Gran Paradiso qui marque la frontière avec la région de Turin au sud, Le Mont Rose et le Piémont, puis Le Cervin et le Grand Combin avec la Suisse. La petite portion que nos empruntons entre Eaux-Rousses et le refuge Vittorio Sella donne un aperçu du fantastique paysage que nous offre la région. Voir plus de photos du Val d’Aoste.

Pas après pas, les habituelles discussions entre randonneurs se font moins fécondes, freinées par l’air léger de l’altitude, devenant rares lorsque l’atmosphère est plus grave. Les plaques de neiges, les sentiers qui se mêlent aux éboulis, les sommets de 4000 au dessus de nos têtes, la petite fenêtre à peine visible du col que nous n’aurions pas remarqué s’il n’existait ce petit trait noirci par le passage des marcheurs, autant d‘éléments qui nous rappellent que nous entrons en haute montagne.

Le col Loson est étroit, et à 3300m il n’est là que pour basculer sur l’autre versant. Les quelques personnes motivées iront jusqu‘à la pointe du Tuf, 100m plus loin, d’où par beau temps on peut voir le massif du Grand Paradis. Attention, il faut avoir le pied solide.


Panorama sur le massif du Gran Paradiso depuis la punta del Tuf (3393m), accessible par le col Loson. Voir plus de photos du Val d’Aoste.

Une fois le col passé, satisfaits d’une petite victoire et sachant qu’il ne nous reste plus qu‘à rejoindre le refuge Vittorio Sella qui nous accueillera pour la nuit, nous prenons le temps de descendre en profitant de la vue qui s’ouvre devant nous. Au loin nous devinons sous les nuages la pointe de Gran San Pietro, un des nombreux repères guidant le coureur lors de sa chevauchée.
Quel sentiment peut-on avoir lorsqu’il faut enchainer les cols et les refuges sans s’arrêter et que les limites sont celles imposées par le corps? Quelque chose entre force grisante et vertige anesthésié sans doute.


Torre del Gran San Pietro

Il ne faut qu’1h30 pour rejoindre le refuge et retrouver les bouquetins désormais familiers. L’accueil d’une qualité qu’on oublie parfois de notre coté des Alpes, et la gentillesse des hôtes, rare, feront de cette soirée au refuge un excellent souvenir.
Nous continuerons les jours suivant sur quelques autres sentiers du Tor des Géants, espérant toucher un jour à la force d’en faire le Tour.