Retour en Mauritanie

Décision des agences

Point Afrique revient en Mauritanie. A sa suite, trois voyagistes reprogramment la destination en février et mars 2014. Pour le fondateur de Point Afrique, Maurice Freund, le pays est désormais « sûr » et revenir en Mauritanie est la « meilleure arme contre le terrorisme ».

Retour en Mauritanie

« Prêcher dans le désert » ! Maurice Freund, le « mythique » fondateur de Point Afrique, a voulu faire mentir l’expression. En organisant le déplacement de quelques 200 touristes français, dont une poignée de voyagistes et de journalistes, il y a quelques jours dans le désert Mauritanien, il a voulu à la fois faire pression sur le ministère des Affaires étrangères, qui considère toujours le pays comme potentiellement « à risque » (1) et convaincre qu’il n‘était pas (ou plus) dangereux de se rendre dans cette région d’Afrique de l’ouest. Un lobbying dans les dunes qui vient de porter ses fruits puisque trois voyagistes (Terres d’Aventure, Nomade Aventure et Allibert Trekking) en complément de PointAfrique (voir les voyages de PointAfrique en Mauritanie) viennent de reprogrammer la destination en proposant des départs pendant les prochaines vacances scolaires (16 et 23 février, 2, 9 et 16 mars) et des circuits dans l’Adrar. Afin d’assurer le transport aérien, Point Afrique Voyages a passé un accord avec Mauritania Airlines qui, durant cette période, fera une escale à Atar sur le vol régulier Paris-Nouakchott sous réserve d’un minimum de 50 voyageurs.


De retour en Mauritanie pour plusieurs agences de voyage

Villes saintes

Pour convaincre que la Mauritanie devait se rouvrir au tourisme, Maurice Freund a choisi le 4e Festival des villes anciennes, qui s’est tenu à Oualata, dans le sud-est du pays, du 13 au 16 janvier dernier. Et c’est là, à quelques kilomètres de la frontière malienne, qu’il a convié (pour moins de 300 euros, tout compris), les 200 touristes français. Oualata, une des quatre villes saintes de Mauritanie, classée dans le patrimoine mondial de l’Unesco, a souffert, comme les autres villes touristiques du pays, de l’arrêt du tourisme en 2007 (2). A Chinguetti, Ouadane ou dans le parc national du Banc d’Arguin, de nombreux guides (3), hôteliers ou chameliers ont été obligés de se reconvertir et de trouver d’autres sources de revenus. Car, depuis 1996, année de l’ouverture de liaisons aériennes touristiques par Point Afrique entre la France et la Mauritanie, les voyageurs avaient afflué dans les déserts mauritaniens. En 2006, ils étaient plus de 50 000 à vivre l’aventure des dunes, des cités caravanières et des bibliothèques aux manuscrits sacrés. Pour la Mauritanie, cette importante fréquentation avait eu des conséquences très positives et mesurables : selon une étude du P.N.U.D, le taux de prévalence de la pauvreté, qui atteignait 50 % en 1996 dans l’Adrar, était tombé cinq ans plus tard à 24 %. Depuis la disparitions des touristes, il est vraisemblable que ce taux de pauvreté a dû fortement progresser.


Redécouvrez les villes saintes de Mauritanie

Pays sûr

Pour Maurice Freund, la Mauritanie est désormais un pays « sûr ».

Si l’armée était dans un état déplorable il y a 5 ou 6 ans, explique-t-il, elle est désormais remise sur pied, bien entrainée et bien équipée en armes et moyens de transport.

Un optimisme partagé par la directrice générale de l’Office National du Tourisme mauritanien, Khadijetou Mint Doua :

La Mauritanie lutte depuis des années contre le terrorisme. La population est désormais sensibilisée et n’accepte en aucune façon la présence de terroristes dans leurs villages.

L’actuel président de la république islamique de Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, au pouvoir depuis 2009 (et qui vient de devenir président de l’Union africaine), aurait même déclaré il y a quelques semaines : « S’il ne restait qu’un seul dollar dans les caisses de l‘État, je le consacrerai à la sécurité ! ».
Les faits semblent leur donner raison. Le festival de Oulata s’est déroulé dans la plus totale tranquillité, protégé par une présence militaire discrète et les courses de dromadaires, le tournoi de pétanque ou les concerts de musique traditionnelle ont joyeusement mélangé touristes, touaregs et habitants, pour le plus grand bonheur des autorités et des responsables de Point Afrique.

Ne pas revenir en Mauritanie serait un échec, économique mais aussi moral, affirme aujourd’hui Maurice Freund. Le tourisme est une arme contre le terrorisme car la population peut alors rester et vivre dans les zones touristiques et faire ainsi barrage contre les terroristes.

Selon lui, si on avait lutté dès le début contre l’emprise du terrorisme islamique dans le nord du Mali, l’opération Serval n’aurait pas été nécessaire :

10% des moyens militaires aujourd’hui sur place auraient suffit. Les attaques terroristes ou les prises d’otages sont comme des feux : si on les attaque tout de suite, on les éteint facilement. On a trop attendu .

Le responsable de Point Afrique admet que le nord du Mali, la Lybie ou le sud algérien restent aujourd’hui des zones dangereuses « où nous n’irons pas pour l’instant. Mais nous ne céderons pas sur le Tchad ou la Mauritanie. Il faut y aller ».


Même si la couleur orange peut faire peur, une large zone de la Mauritanie est désormais accessible aux touristes comme le confirme le choix de quelques tour opérateurs qui ont décidé d’y revenir.

Notes et références

(1) Pour le ministère des Affaires étrangères, la Mauritanie demeure « une cible potentielle des éléments terroristes installés au Mali ». Selon le Quai d’Orsay, « la zone frontalière avec le Mali est particulièrement exposée, comme l’a montré, le 20 novembre 2012, l’enlèvement au Mali d’un ressortissant français qui venait de franchir la frontière mauritanienne ». Le MAE rappelle, sur son site internet, que plusieurs incidents graves ont eu lieu en Mauritanie les années passées, perpétrés par « des individus ou des groupes liés à AQMI », (Al-quaïda au Maghreb) : attentat suicide contre l’ambassade de France le 8 août 2009, enlèvement, en novembre 2009, sur la route Nouakchott-Nouadhibou de 3 Espagnols travaillant pour le compte d’une ONG, enlèvement, en décembre 2009, de 2 touristes italiens près de la frontière malienne et tentative d’attentat déjouée contre l’ambassade de France en février 2011. Le MAE déconseille donc formellement de se rendre dans la « zone rouge », qui s‘étend du nord au sud (voir carte). Seule une petite partie ouest du pays est décrétée « zone orange », c’est-à-dire « déconseillée sauf raisons impératives ».

(2) Le 24 décembre 2007, un groupe de cinq touristes français, qui se déplaçaient seuls en 4X4, sans avoir eu recours à un tour-opérateur, s‘était fait attaquer près d’Aleg (250 km à l’est de Nouakchott) par plusieurs hommes armés. Quatre des touristes avaient été tués. Quelques jours plus tard, le camp militaire d’El-Ghallawiya, au nord-est Nouakchott avait été attaqué par des terroristes. Trois militaires avaient trouvé la mort. A la suite de cette attaque, les voyagistes français, qui continuaient à emmener des touristes en Mauritanie, avaient alors décidé de rayer le pays de leurs circuits.

(3) Mohamed Ould Chenane a été un des premiers guide-accompagnateur formé en Mauritanie. A la suite de l’arrêt du tourisme, il s’est reconverti tant bien que mal dans la comptabilité et l’administration. Passionné d’ornithologie et grand connaisseur du désert, il espère beaucoup du retour des voyageurs dans son pays. Si vous cherchez un guide pour un voyage « en liberté », il est possible de le joindre par email : md_2_chenane@yahoo.fr et soleiladrar@yahoo.fr

Les photos de cet articles sont de © François Rousselle.