4 jours dans le Makay

Une aventure à Madagascar

En savoir plus sur la région du Makay, regarder le portfolio du voyage à Madagascar.

Je vous livre ici mes prises de notes lors du voyage de découverte du Makay en janvier 2012. Les guides mentionnés (et par ailleurs excellents) sont ceux de l’agence Malagasy Tours, spécialisée sur les voyages d’aventure à Madagascar. L’objectif de ce voyage était d‘évaluer la possibilité de nouveaux circuits dans une région méconnue du Makay Le style est aléatoire, le texte fut rédigé le soir au bivouac.

4 jours dans le Makay

Départ pour le Makay

Les charettes à zébu, c’est terminé. Danz ne voulant pas arriver dans la soirée au village de Beronono où nous devrions trouver nos porteurs, nous décidons qu’aujourd’hui serait une journée de transition. Nous dormirons à Isalo, puis arriverons le lendemain en milieu de journée au bac de la rivière Mangoky.


Paysage typique des hauts plateaux vu depuis le village d’Ambalavao. Plus de photos

La matinée m’est dédiée pour visiter Ambalavao, connu pour son marché aux zébus tous les mercredi. Nous sortons de 3 jours de marche sur les hauts plateaux, et même si nous avons pu longuement échanger avec la population dans les villages, j’ai besoin de voir l’animation d’une ville de la région, photo oblige.


Le marché aux Zébus d’Ambalavao. Plus de photos

Nous partons ensuite pour Isohy où nous déjeunons. La ville se trouve peu avant la jonction de la nationale 7 vers Fort Dauphin. La région de l’Horombe ressemble aux steppes de Mongolie et l’ethnies Barâ qui y vit élève des zébus en semi-nomadisme. Nous logeons à l’Isalo Ranch peu après Ranohira, une sorte d‘écolodge, un ensemble de bungalows posés autour d’un restaurant ouvert devant une piscine. La pause est bien agréable et je profite même d’une petite piscine où je laisse de coté mes principes écologiques (s’il m’en reste). Cette journée est tranquille après les 3 premiers jours de reco et en attendant le Makay sauvage.

La longue approche du Makay

Nous quittons Ranohira en début de matinée, vers l’est pour longer le massif de l’Isalo, tout en longueur. Il faut compter 200km de piste pour atteindre le bac qui nous fera basculer de l’autre coté sur le Makay. Nous traversons des paysages de savane africaine, un relief ondulant à perte de vue, où nous croisons de grands troupeaux de zébus. Nous sommes ici en plein pays Barâ.


Le paysage sur la route du Makay. Plus de photos

Les Barâs accordent une importance majeure à leurs troupeaux, comme tous les éleveurs de bétail, et chaque groupe est clairement identifié. Dans le cas de vols de zébus, très fréquent dans la région, le village volé suit les traces des zébus et s’ils découvrent que le troupeau s’est arrêté sur un territoire voisin, le responsable est très probablement du village concerné. Étonnamment, les Barâs, éleveurs de zébus, ont un penchant naturel pour le vol qui fait aussi partie de leur culture. Les règles sont strictes, 1 zébu volé doit être remboursé par 3 zébus en retour, même si les règlements de compte peuvent être très violents.

L’ambiance dans le Toyota est excellente, sans doute parce que nous sommes tous excités à l’idée des prochains jours. Danz conduit bien et est parfait dans son rôle de “maître guide”, Tolo en DJ des savanes joue de la télécommande et nous sert un pot pourri de musique Malgache, de Jean-Jacques Goldman et de Freddie Mercury, et Sylvain, en expert de l’orientation et de la reconnaissance terrain, consolide les données cartographiques à coups de marqueurs GPS. Quant à Bob, il dort.


L‘équipe en pleine lecture du terrain. Plus de photos

Les 50 derniers kilomètres sont plus humides et verts, des termitières en quantité ponctuent la brousse et nous voyons quelques baobabs émerger d’une végétation qui se densifie.
Arrivés à la Mangoky (on dit ‘la mangouk”), nous envoyons une pirogue pour avertir le bac qui se trouve de l’autre coté de la rivière. A la saison humide et avec les pluies, la rivière doit faire 800m de large, le bac se trouve un peu en aval à 2km, il mettra environ 1h pour remonter le courant. On en profite pour déjeuner sur le capot du Toyota en avalant le riz cantonnais enrichi de Tolo.
Traversée rapide de la rivière, dans le sens du courant, le moteur du rafiot est terriblement bruyant au point de ne pas s’entendre parler.

De l’autre coté de la rivière, une fois débarqués en sauvage sur une plage de sable déserte, nous attendons l’arrivée du pisteur, Bevahiny, qui est aussi le chef du village voisin. Il nous accompagnera pour les prochains jours. On prend la piste en direction de l’aérodrome construit par les prospecteurs Chinois, il y aurait du pétrole dans la région…


Fin de journée et notre dernière manœuvre pour extraire le véhicule de la terre rouge. Nous poserons le camp un peu plus loin. Plus de photos

Nous avançons lentement et certains passages sont difficiles, on finira même par s’ensabler sur un dévers important. Nous devrons sortir les planches et travailler une bonne heure pour sortir et continuer.

Il est environ 17h lorsque nous décidons de nous arrêter pour le campement, au plus près d’un des plus hauts sommets du makaï. L’objectif du lendemain, partir du camp, explorer les environs vers les crêtes, aller voir les grottes et le canyon qui d’après les cartes ne sont pas loin…

La crête

Altitude du camp : 527m.
Sommet de la crête d’après Sylvain : 852m
Moi : “oh, ba c’est rien”
Lui : “oui, ba attend”
Nous partons vers 7:30 en direction du sommet que nous voyons d’où nous sommes. Bob reste sur place pour surveiller le campement et trouver de l’eau pour les jours suivants.

Très vite, nous constatons que la crête qui part du sommet est entourée de falaises de 10 à 30m qui nous empêchent une approche directe. Il faut trouver le passage s’il y en a un. On part vers le nord en espérant aussi découvrir les grottes qui sont mentionnées sur les cartes de Danz. La partie nord est une mauvaise option et nous faisons demi tour au bout d’une heure environ. Tolo est avec moi et m’aide à transporter mon matériel photo, j’ai mes 3 objectifs, les deux boitiers et le trépied (tant qu’a faire).


Approche en courbe de niveau, au loin la partie nord du Makay. Plus de photos

Danz, Bevahiny et Sylvain longent la falaise et décident de descendre un peu alors que Tolo et moi restons au plus près de la crête. Après environ 1h, nous voyons une ouverture dans la falaise, un endroit plus boisé et une petite combe qui semblent accessibles. Nous décidons d’y aller, tenter la montée, l’objectif de la journée est quand même de basculer sur le plateau.
Nous finissons par passer, non sans difficultés et une légère prise de risque, le grès est très friable voire même “complétement pourri”…

Une fois là haut, nous faisons un tour rapide pour voir ce qui se trouve derrière. Fantastique panorama sur la partie ouest du Makay. Nous voyons au loin, à environ 20km à vol d’oiseau, la rivière Mangoky que nous avons passé la veille. De tout coté et à perte de vue, le Makay sauvage et aucune habitation.


La vue du sommet. Plus de photos

On revient sur le bord est de la falaise pour tenter de voir où en sont nos camarades. J’entends des sifflets, nous répondons, mais c’est plutôt stérile. Je suppose qu’ils ne sont pas très loin dessous, sans doute à l’endroit où nous hésitions à passer. Je lance un “montez”, puis Tolo et moi filons vers le sud en direction de la partie la plus étroite de la crête, un bon point de vue à environ 2km. Je prends quelques vidéo en me disant que si les autres ne montent pas, au moins on pourra les visionner au bivouac le soir même, histoire de…


Il fallait un oeil très exercé pour voir ce bébé caméléon. Plus de photos

Il est midi lorsque Tolo et moi décidons de nous arrêter. Nous voyons Sylvain en arrière posé sur un des rochers où nous nous étions aussi arrêté pour la vue. Sylvain et Bevahiny nous rejoignent et nous déjeunons ensemble. Danz est quant à lui resté au pied de la falaise estimant que c‘était un peu trop risqué de forcer le passage (la sagesse du vieux loup).


Bevahin notre pisteur dans le Makay repère le passage pour redescendre de la crête.

Après le déjeuner, nous revenons sur nos pas pour redescendre et aller jeter un oeil sur le lit des rivières en contrebas, coté est. La descente est un peu technique et nous retrouvons Danz à l’endroit où les deux autres l’ont laissé. Nous sommes tous les 4 passés par le même petit couloir pour atteindre la crête et il n’y a sans doute pas d’autre passages. Il faudra surement l’oublier pour les clients, c’est beaucoup trop risqué. Une constatation en l‘état, on ne peut pas passer sur la crête par la partie est/nord-est.

On termine la journée en longeant et faisant quelques vas et viens dans le lit des torrents et rivières qui descendent du plateau. Beaucoup de sable, pas d’eau alors que nous sommes en saison humide, de petits canyons de grès très friables, une géologie typique du Makay. Une option de passage très agréable pour les clients, d’autant plus que l‘éventuel campement n’est pas loin et accessible.

En rentrant vers le campement, nous découvrons par chance une des grottes indiquées sur la carte. Alors que nous la cherchions le matin, nous étions à seulement quelques dizaines de mètres de l’entrée en contrebas d’une large dalle de grès. Nous la visitons et découvrons qu’elle est régulièrement utilisée, un reste de feu de quelques jours l’attestant.

Notes : il a fait très chaud aujourd’hui, il fait pas loin de 40°C au soleil, mais heureusement, beaucoup de vent fort agréable, voire salvateur. Nous marchons en hors piste complet. J’ai bu environ 4 litres d’eau pour un allez retour campement 7:30 – 17h00. Demain je pars avec 3 bouteilles d’1.5l minimum. Vus 2 petits caméléons. Difficile de voir des oiseaux ce qui me surprend, quelques faucons planent. Pour les Lémuriens, il faudrait entrer dans les petits bois qui sont quand même très difficiles d’accès (sur des promontoires isolés, ou au creux des canyons)

La gorge

Le temps passe vite, plus que 2j dans le Makay. Le camp est défait et nous partons vers 7h30 avec le Toyota. Les porteurs nous accompagnent sur le véhicule et nous reprenons la piste que nous avions empruntée il y a deux jours. Le but est de se rapprocher de la pointe sud de la crête, au plus près, puis continuer à pied avec les porteurs et accéder aux gorges que nous pouvions voir du sommet de la crête.

Nous empruntons une piste tracée par les chinois au bulldozer, mais elle s’avère rapidement inutilisable. Ya pas à dire, mais ils alimentent les préjugés à leur encontre, non seulement leurs pistes ne servent à rien, mais elle lacèrent littéralement le paysage à cet endroit.
On bascule alors en hors piste en remontons une épaule qui descend d’une des crêtes du massif. Nous stoppons vers 8:30, laissons le véhicule sur place, puis partons en direction des gorges. Nous marchons léger car nous resteront 1 nuit seulement sur place.


Les arbres des gorges. Plus de photos

La progression devient vite difficile car dans notre souhait de descendre le long des gorges typiques du Makay, pour trouver notre campement afin de rayonner de ce point, nous rencontrons des versants très abruptes, des fonds de gorges très étroits et une végétation très dense. Nous atteignons finalement vers 12:00 le point que nous visions plus tôt des hauteurs, le fond d’un canyon, légèrement sur-élevé et adossé à la paroi.

Après discussion, Danz décide de partir avec Bévahin pour tracer plus au sud, puis vers l’ouest et profiter au mieux du temps qu’il nous reste pour prospecter le coin. Nous restons (Tolo, Bob, Sylvain et moi) dans les parages et nous donnons rendez-vous à Danz et Bev le surlendemain au matin dans le village de Morarano où nous avions pris le bac sur la Mangoky.

Une fois le bivouac installé, Sylvain, Tolo et Bob partent en exploration du canyon en amont, alors que je préfère rester dans les environs du campement pour prendre des photos. Les porteurs quant à eux repartent vers le 4×4 (il faut quand même le surveiller, les vols ne sont pas impossibles d’autant plus que nous avons laissé nos affaires de vasa à l’intérieur).

Je pars en remontant la rivière en amont puis je grimpe par dessus le bord droit du canyon. En arrivant au sommet de la falaise, je vois au loin en aval Tolo, Bob et Sylvain émerger d’une paroi; J’apprendrai plus tard qu’ils ont eu beaucoup de mal à sortir de la gorge (murs très rapprochés, grimpe en opposition/dos, une dizaine de mètres de vide…).


L‘équipe progresse sur le terrain. Plus de photos

Je découvre à environ 300m une grotte qui semble assez grande. En approchant, confirmation, elle est plus haute et plus profonde que celles que nous avons vu hier et j’observe quelques peintures sur les murs. Je continue ma balade pendant environ 2h, je découvre ce petit bois isolé dans son écrin de grès; Je suis en plein cœur du Makay que j’imagine.
Je monte sur le sommet le plus proche pour profiter de la vue; je suis seul, perdu au milieu d’une des régions les plus sauvages de Madagascar, et je profite longuement du moment.


Panorama du Makay

En redescendant, je vois mes acolytes en contrebas rentrant au camp. Je leur fais signe puis les rejoins 30 minutes plus tard.

La sortie du Makay

Nous sommes déjà au dernier jour de notre passage dans le Makay. Nous savons déjà qu’il faudra revenir avant de pouvoir organiser un voyage pour des clients. Le Makay est très sauvage et la construction d’un circuit sur place demande une meilleure connaissance de la zone que ce que nous avons pu voir.


Le campement dans les gorges. Plus de photos

Bob pars dès 6h pour aller chercher les porteurs au 4×4. Nous décollons vers 7:30 comme à notre habitude. L’idée est de monter sur la pointe sud de la crête que nous avons gravit le premier jour, pour encore une fois évaluer la faisabilité d’y emmener des touristes. Nous savons déjà qu’un chemin y monte probablement comme semblaient l’indiquer des traces sur google maps.

Nous partons dans la même direction que j’empruntais la veille, pour explorer cette grotte que je n’ai que rapidement survolée. Je suis un total béotien mais Sylvain, de son expérience dans le Sahara, pense qu’il s’agit de peintures anciennes. On y trouve en particulier la représentation d’un herbivore, probablement (train arrière, dos, possible cornes), associé à un homme. Une seconde grotte se trouve non loin, plus grande et profonde mais moins intéressante semble t-il.


Peinture rupestre dans dans une grotte du Makay

Nous parvenons ensuite assez facilement à sortir de cette partie du relief pour retrouver le chemin vers le sommet. Il est déjà 11:00 et la chaleur est importante surtout lorsque le vent tombe. Nous apercevons la tête de crête qui se trouve à environ 2km à vol d’oiseau et 350m de dénivelé. Comme les autres jours, nous avons vraiment chaud, et je me surprend même à frissonner, réaction naturelle parait-il. Nous nous reposons 5 minutes, puis dans un dernier élan, nous plongeons à l’assaut de la montée finale.

Le chemin est bien marqué, ce qui nous change pour une fois. Mis à part un passage un peu dangereux en surplomb du vide, nous savons qu’il est très possible d’organiser quelque chose sur cette partie à condition de sécuriser ou contourner les deux ou trois zones à risque. La vue sur l’ensemble des canyons est d’ailleurs splendide ici, probablement un des futurs “view point” du Makay sud.


Descente de la crête et retour vers le véhicule. Plus de photos

Nous redescendons ensuite vers le camp laissé la veille et retrouvons Bob, prêt à partir. Le chemin vers Beroroha n’est pas sans encombre, puisque nous nous ensablons et mettons encore une fois plus d’une heure à repartir, mais c’est un détail.

Arrivée à Beroroha. Bière fraiche, très heureux de l’expérience, mais avec une très forte envie d’y revenir, après cette première introduction au Madagascar sauvage. Nous repassons la Mangoky dans l’autre sens à la tombée de la nuit et campons sur l’autre rive.
Danz nous retrouvera le lendemain matin de son périple solitaire. Il nous avouera avoir beaucoup marché avant de rejoindre Beroroha la veille au soir…

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